Histoire de l'Espagne by Joseph Perez

Histoire de l'Espagne by Joseph Perez

Auteur:Joseph Perez [Perez, Joseph]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


L'ambiguïté des Lumières

La critique, selon Kant, est le propre d'un jugement parvenu à sa maturité : « Notre siècle est le véritable siècle de la critique à laquelle tout doit se soumettre. La religion, par sa sainteté, et la législation, par sa majesté, prétendent vainement s'y soustraire. Par là, elles ne font qu'exciter contre elles de légitimes soupçons et elles ne peuvent plus prétendre à cette sincère estime que la raison n'accorde qu'à ce qui a pu soutenir son libre et public examen. » On reconnaît l'inspiration de l'Aufklärung que le même Kant définit comme l'état d'un esprit qui s'émancipe de toute tutelle, qui ne s'en laisse plus conter et qui ne se paie plus de mots. De ce point de vue, les Espagnols éclairés du XVIIIe siècle vont beaucoup moins loin que les philosophes français ; ils ne mettent en cause ni le pouvoir absolu ni la religion. Les historiens s'en tirent en parlant de Lumières catholiques (ilustración católica). Les réformateurs dénoncent les superstitions, les dévotions populaires, les formes spectaculaires de piété, l'ignorance et le parasitisme des moines, mais leur critique s'arrête aux portes du sacré; ce n'est pas chez eux qu'on trouverait des athées ou des libres-penseurs. Ils sont anticléricaux, mais non antireligieux. Ce qu'ils souhaitent, c'est une religion épurée de ses éléments les plus discutables, une religion comme celle qu'Erasme recommandait. Ils se situent dans une lignée qui a poussé des racines profondes en Espagne depuis les disciples d'Erasme et les humanistes du XVIe siècle jusqu'à Unamuno et aux krausistes des XIXe et XXe siècles. On est en présence d'une forme de puritanisme - dans l'Espagne du XVIIIe, on parlait de jansénisme, ce qui, au sens propre, n'est pas exact -, attentive à l'inspiration religieuse la plus profonde, mais qui est mal à l'aise devant certaines manifestations extérieures du culte, devant la pompe des cérémonies et devant le triomphalisme de l'Église. En religion comme en toute circonstance, les réformateurs espagnols se veulent des hommes du juste milieu. L'expression est de Cadalso, auteur de Lettres marocaines qui doivent beaucoup aux Lettres persanes de Montesquieu. Cadalso ajoute - ce qui, dans l'Espagne de son temps comme dans celle du XIXe siècle, est parfaitement vérifié - qu'une telle attitude n'a rien de confortable ; on devient suspect aux extrémistes des deux bords.

Les hommes des Lumières ont retenu la leçon du bénédictin Feijoo (1676-1764), vulgarisateur de talent qui a passé sa vie à combattre les superstitions et les préjugés et à faire connaître en Espagne les plus récents développements de la science moderne sans cesser de professer un attachement sincère au catholicisme. Feijoo a été très lu en Espagne et dans l'Amérique espagnole. Campomanes a encouragé la publication, en 1765, de ses œuvres complètes en quatorze volumes in-quarto. S'interrogeant sur les causes du retard scientifique de l'Espagne, Feijoo relève le préjugé contre ce qui est nouveau et contre ce qui vient de l'étranger, notamment contre la philosophie moderne, une philosophie qu'on réduit à tort au cartésianisme ou, plus exactement, à une caricature du cartésianisme.



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